Inspiration

Zao Wou Ki

Membre du courant de l'abstraction lyrique (1920 - 2013)

Conversation artistique entre Jean d'Ormesson, Mathieu Ricard et Yehan Le Toumelin

C' à vous
(avec un moment hors du temps )

Quand Balzac nous parle de la création artistique… !

(Extrait le chef d’œuvre inconnu - Études philosophiques, La Comédie Humaine)

La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer !

Tu n’es pas un vil copiste, mais un poète ! s’écria vivement le vieillard en interrompant Porbus par un geste despotique.

Autrement, un sculpteur serait quitte de tous ses travaux en moulant une femme ! Eh bien, essaye de mouler la main de ta maitresse et de la poser devant toi, tu trouveras un horrible cadavre sans aucune ressemblance, et tu seras forcé d’aller trouver le ciseau de l’homme qui, sans te la copier exactement, t’en figurera le mouvement et la vie.

Nous avons à saisir l’esprit, l’âme, la physionomie des choses et des êtres.

Les effets ! Les effets !

Mais ils sont les accidents de la vie, et non la vie. Une main, puisque j’ai pris cet exemple, une main ne tient pas seulement au corps, elle exprime et continue une pensée qu’il faut saisir et rendre.  

Ni le peintre, ni le sculpteur, ni le poète, ne doivent séparer l’effet de la cause, qui sont invinciblement l’un dans l’autre ! La véritable lutte est là ! Beaucoup de peintres triomphent instinctivement sans connaître ce thème de l’art.

Vous dessinez une femme, mais vous ne la voyez pas ! Ceci n’est pas ainsi que l’on parvient à forcer l’arcane de la nature.

Votre main reproduit, sans que vous y pensiez, le modèle que vous avez copié chez votre maitre.

Vous ne descendez pas assez dans l’intimité de la forme, vous ne la poursuivez pas assez d’amour et de persévérance dans ses détours et dans ses fuites.

La beauté est une chose sévère et difficile qui ne laisse point atteindre ainsi, il faut attendre ses heures, l’épier, la presser et l’enlacer étroitement pour la forcer à se rendre.

Mon panthéon...

La force d'Hercule Seghers (1590 – 1637)

graveur et peintre néerlandais, maitre de Turner, Nicolas de Stael

La lumière de Rembrandt (1606- 1667)

L'originalité de Turner, (1775- 1851)

La fougue de Johan August Strindberg (1849 – 1912)

La sensibilité de Chagall, (1885, 1987)

La liberté de Kandinsky, (1866 – 1944)

La vitalité de Hans Hartung, (1904 – 1992)

La profondeur de Nicolas de Stael,
(1913- 1955)

Le dynamisme de Gerhardt Richter (1932 - )

La fraicheur de Joan Mitchell, (1925- 1992)

La recherche existentielle de Fabienne Verdier (1962 - )

La théorie des couleurs complémentaires vue par Delacroix, Van Gogh, Gauguin et Seurat

Question du jour : ” pourquoi le peintre choisit telle ou telle couleur ” ?
Lorsque j’ai réalisé que beaucoup de peintres de génie du XIX et XX ème utilisaient la théorie des couleurs complémentaires pour leurs toiles, j’ai eu l’impression d’avoir une clé artistique importante !


Mais à quoi consiste la théorie des couleurs complémentaires ? Après la question du jour, c’est la seconde wikipédia 🙂
Elaborée au XVIIIe siècle et diffusée d’abord chez les artistes, elle a été popularisée par le Traité des couleurs de Goethe et vérifiée par les expériences de Michel-Eugène Chevreul.
Deux couleurs complémentaires sont disposées de part et d’autre du centre sur un diamètre du disque chromatique. Dans le diagramme chromatique, la droite qui les joint passe par le point blanc. De ce fait, le rouge est complémentaire du vert, le jaune du violet et le bleu de l’orangé !

Laissons la parole à Delacroix, grand maitre des peintres de la fin du XIXeme et du XXeme.

Delacroix, L'Entrée des croisés à Constantinople, 1840

L’harmonie, Delacroix ,ne l’entendait pas comme la plupart des autres peintres (…). Delacroix, lui conservait toujours le piquant dans l’accord, il poursuivait l’unité dans la mutuelle pénétration des contraires. Réunissant par exemple toutes les facettes du vert, toutes les variantes du rouge, il les rompait, les enchevêtrait l’une dans l’autre, leur ménageait des échos affaiblis ou des redoublements de violence, il les composait une harmonie mordante pour la mémoire, caressante pour l’œil.

En voyant, préparées sur le champ de sa décoration les couleurs diamétralement opposées, les orangées et les bleus, les violets et les jaunes, vous eussiez dit deux armées prêtes à s’entrechoquer, à s’entre-détruire. Mais sous la main du maître, ces tons hostiles, retrouvant l’un dans l’autre des analogies mystérieuses, se réconciliaient dans la mêlée et formaient bientôt une fraternelle fanfare. (évoquant la toile de l’Entrée des croisés à Constantinople de Delacroix, 1840)

Charles Blanc, Les artistes de mon temps.

A vous, Cher Monsieur Van Gogh !

J’ai cherché à exprimer avec le rouge et le vert les terribles passions humaines.

La salle est rouge sang et jaune sourd, un billard vert au milieu, 4 lampes jaune citron à rayonnement orangé et vert. C’est partout un combat et une antithèse des verts et des rouges les plus différents, dans les personnages de voyous dormeurs petits, dans la salle vide et triste, du violet et du bleu.

Le rouge sang et le vert jaune du billard, par exemple, contrastent avec le petit vert tendre Louis XV du comptoir, où il y a un bouquet rose (8 septembre 1888, III)

Vincent Van Gogh, le Café de Nuit, 1888

Cette fois-ci ma chambre à coucher tout simplement, seulement la couleur ici doit faire la chose et en donnant par simplication un style plus grand aux choses, être suggestive ici du repos ou du sommeil en général. Enfin la vue du tableau doit reposer la tête ou l’imagination.

Les murs sont d’un violet pâle. Le sol est à carreaux rouges.

Le bois du lit et les chaises sont jaune beurre frais, le drap et les oreillers citron vert très clair.

La couverture rouge écarlate. La fenêtre verte.

La table à toilette orangée, la cuvette bleue.

Les portes lilas.

Et c’est tout – rien dans cette chambre à volets clos

Vincent Van Gogh, la Chambre à coucher, 1889

Écoutons Paul Gauguin, nous dire l'importance pour lui d'introduire une troisième couleur dans la dualité des complémentaires.

Paul Gauguin, Parau Api, 1892

Van Gogh, infuencé par les recherches néo-impressionnistes procédait toujours par grandes oppositions de ton sur une complémentaire jaune, sur violet, etc. Tandis que plus tard, d’après mes conseils et mon enseignement, il procéda tout autrement. Il fit des soleils jaunes sur fond jaune, etc., apprit l’orchestration d’un ton pur par tous les dérivés de ce ton.

Les couleurs élémentaires, à cause de leur puissance, sont généralement placées dans les parties principales du tableau; et, comme ces couleurs n’ont pas d’affinités les unes pour les autres, elles se font valoir réciproquement par le contraste.

Pour rendre harmonieux le rapprochement des couleurs élémentaires, il faut y faire entrer une troisième couleur. Par exemple, si l’ont met un rouge à côté d’un bleu, on modifiera ces couleurs par l’adjonction du jaune; alors le rouge tournera légèrement à l’orangé, couleur complémentaire du bleu; et le bleu prendra une teinte verdâtre, couleur complémentaire du rouge. S’il s’agit du violet et de l’orangé, on chargera de bleu la couleur violette, etc. On pourra donc accorder toutes les couleurs en les modifiant dans le sentiment de leur opposant harmonieux, de telle façon qu’elles ne paraissent ni dures, ni trop entières de ton.

D. Sutter, Philosophie des beaux arts, op.cit, P. 269

Paul Signac, disciple de la théorie de couleurs complémentaires et adepte de la loi des contrastes simultanés...

Deux couleurs limitrophes s’influencent mutuellement, chacune imposant à l’autre sa propre complémentaire, le vert un pourpre, le rouge un vert bleu, le jaune un outremer, le violet un jaune verdâtre, l’orangé un bleu cyané : contraste de teintes.

La plus claire devient plus claire; la plus foncée, plus foncée : contraste de tons.

Ce contraste est le régulateur du contraste de teintes : avec l’écart des tons croît l’influence, par choix de complémentaires, de la région la plus lumineuse sur la plus sombre, tandis que l’action inverses diminue, et , pour un puissant contraste de tons, tel que celui d’ombres à lumières, s’abolit presque.

F. Fénéon “Paul Signac”, Les Hommes d’aujourd’hui”.

Paul Signac, Fontaine des Lices, Saint Tropez, 1895